"Est-ce féministe de s’attaquer aux problèmes que rencontrent les garçons et les hommes ? Oui, si on en croit Richard Reeves qui a écrit "Of Boys and Men : Why the modern male is struggling, why it matters, and what to do about it".
Dans son ouvrage, Reeves remet en question l'idée selon laquelle les hommes sont toujours les grands gagnants dans tous les domaines de la vie. Il met en lumière les difficultés spécifiques que rencontrent les hommes, au travers d’un certain nombre d’études, encourageant ainsi une approche plus équilibrée des problèmes sociaux.
Quand on lit ça, certaines d’entre nous pourraient lever les yeux au ciel mais ne partez pas tout de suite.
Sur quels tableaux les hommes seraient perdants ?
L’école. Et c’est un point essentiel.
Les filles ont rattrapé et dépassé les garçons en termes de réussite scolaire. Elles ont de meilleurs résultats, vont plus souvent au bout de leurs études et sont plus enclines à aller étudier à l’étranger. Et ça c’est un jackpot.
En ce qui concerne le marché du travail, il est indéniable que les hommes bénéficient d'avantages certains mais nous devons regarder les dynamiques. Et là aussi, les hommes perdent du terrain.
L’auteur explique que les hommes se retrouvent souvent pris en étau sur le marché du travail, en raison de l'automatisation croissante et de la concurrence des travailleurs immigrés. De plus, les emplois physiquement exigeants auxquels les hommes étaient traditionnellement associés disparaissent progressivement. Dans le même temps, les différences entre hommes et femmes s'effacent de plus en plus.
Bien que les femmes aient rattrapé les salaires des hommes dans certains domaines, il subsiste encore des différences salariales en raison de disparités sectorielles et du manque de postes de direction pour les femmes. Cependant, il est intéressant de noter que 40% des femmes gagnent aujourd'hui un salaire supérieur à la moyenne des hommes.
Côté vie privée, un aspect préoccupant que met en avant Reeves est le taux de suicide plus élevé chez les hommes. Il souligne que les hommes ont souvent un plus grand besoin des femmes, qui assument une plus grande part de la gestion des enfants et de la vie sociale. En cas de divorce, les hommes se retrouvent souvent seuls et en manque de soutien.
Reeves aborde également l'influence de l'environnement sur les hommes. Il affirme que les hommes sont plus influençables par leur voisinage et leur quartier. S'ils vivent dans des quartiers défavorisés, ils ont tendance à rester dans la pauvreté.
Enfin, dans le domaine de la santé, les hommes souffrent plus de dépendances (tabac, alcool…), ce qui entraîne des complications avec des maladies cardio-vasculaires.
(A certains moments, je ne vous cache pas qu’on a beaucoup de peine pour ces messieurs qui apparaissent comme des êtres particulièrement fragiles au fur et à mesure que l’auteur égraine les chiffres.)
Alors quelles sont alors les solutions préconisées par Reeves ?
Décaler la scolarité des garçons
Reeves met en lumière les études qui évoquent le retard de développement cérébral chez les garçons, notamment à l'adolescence. Cela peut avoir un impact significatif sur leur comportement et leurs performances académiques.
Si l’on poursuit cette logique, décaler d’un an la scolarité des garçons pourrait les aider et améliorer leurs résultats.
Une plus grande mixité professionnelle
Ca nous le savons : nous devons encourager les femmes à s'orienter vers les filières scientifiques et les métiers du numérique, qui sont souvent mieux rémunérés. Il est essentiel que les femmes prennent également part à la création de l'avenir en contribuant à ces domaines.
Ce qui nous paraît moins intuitif mais qui peut être essentiel pour un meilleur équilibre : nous devons par ailleurs encourager les hommes à s'orienter davantage vers les filières littéraires et à envisager des métiers dans l'enseignement, en particulier dans l'enseignement primaire, mais aussi dans les métiers du social.
L’implication dans l’éducation des enfants
Reeves met également l'accent sur la nécessité d'un congé parental égal entre les mères et les pères. Il souligne que l'égalité ne peut être atteinte sans résoudre les problèmes qui existent à la maison. Encourager les pères à s'investir pleinement dans la relation avec leurs enfants dès la naissance et tout au long de leur croissance est crucial. Le rôle du père est essentiel, notamment à l'adolescence. Une étude montre par exemple que les adolescents ayant une relation solide avec leur père ont moins tendance à adopter des comportements à risque.
Et politiquement ?
Les partis progressistes se concentrent souvent uniquement sur les problèmes des femmes et des minorités. On les comprend car il y avait un retard urgent à rattraper. Mais en ignorant les problèmes des hommes, nous les poussons vers les partis conservateurs car ces derniers n’hésitent pas à leur parler.
Or, que proposent les partis conservateurs ? Revenir au bon vieux temps, avec un homme chef de famille qui la protège et la nourrit afin qu’ils puissent retrouver leur place valorisante. Seulement, ce n’est absolument pas en faisant un retour aux années 50 que nous règlerons les problèmes cités ci-dessus.
Et à défaut de régler les difficultés des hommes, si les partis conservateurs reprennent le pouvoir, ce sont les femmes qui auront droit à un brutal retour de flammes, comme on a pu le voir aux Etats-Unis avec les lois sur l’avortement.
"Of Boys and Men" de Richard Reeves propose donc une perspective intéressante sur les défis et les difficultés spécifiques auxquels les hommes sont confrontés dans la société contemporaine et nous incite à les considérer sérieusement si nous ne voulons pas d’une dégradation de la place de la femme dans la société.
Après tout, il n’y a rien de mieux qu’une société harmonieuse qui prend soin de ses citoyens, peu importe leur sexe, genre ou couleur de peau.